Promises are made to be broken Messages : 278 Date d'arrivée : 09/07/2016 Âge : 26 ans Statut : It's all in the name... Occupation : En négociations. Quartier : Madison Grove | Sujet: #1. Cross our hearts and hope to spy Mer 31 Aoû - 23:42 | |
| Si l'on avait un jour annoncé à Anna Preston qu'elle ferait partie d'une chorale et oserait entonner la chansonette devant un public en chair et en os, elle aurait éclaté de rire au nez de son interlocuteur. Ce qui ne l'avait pas empêchée de rejoindre les rangs des Awesome Voices, une des chorales de Lima, sa ville d'adoption, et berceau de ses racines américaines. Ce rapprochement s'était uniquement réalisé par pur intérêt professionnel et sans vraiment réveiller son amour -limité et raisonnable- de la musique, ou encore titiller ses talents artistiques, qui portaient sur d'autres domaines, bien plus passionnants à son avis. S'en étaient suivies des péripéties sans fin dans la course aux trophées locaux et nationaux, parsemée de disqualifications, tricheries et pactes avec l'ennemi, et des querelles entre directeurs et choristes adverses dignes du niveau d'une classe de maternelle. Tout pour plaire à l'esthète exigeante et élitiste qu'elle était. Elle avait tourné la page sans regrets dès que ses intérêts et sa vie personnelle lui avaient permis de fuir.
Si l'on avait annoncé à Anna Ainsworth qu'elle songerait un jour à rejoindre le quotidien d'une autre chorale, après avoir quitté les AVS aussi vite qu'elle les avait intégrés, elle aurait demandé qu'on abrège son supplice au plus vite. Hors de question de retomber dans les représentations mélodramatiques, sur scène comme dans les coulisses. Et pourtant elle se tenait debout devant Parker Chapel, incertaine de parvenir à ses fins, mais sûre qu'elle voulait bel et bien s'en mêler.
Roosevelt Gardens était à ses yeux l'un des plus jolis quartiers de Rosecliff. Vestige de son passé colonialiste britannique sans doute, elle avait toujours montré une faiblesse pour les bâtiments du XIXe siècle qui la transportaient immédiatement dans les romans qu'elle avait dévorés petite fille. Malheureusement, alors qu'elle observait les allées et venues des passants, elle songeait qu'il n'y avait pas que l'architecture qui demeurait d'époque à Rosecliff, les mentalités aussi avaient visiblement remonté le temps depuis une dizaine d'années. À chaque fois qu'Anna lisait un article de journal ou tendait l'oreille quand on parlait de l'"Incident", elle se croyait projetée dans un roman dystopique de mauvais goût. Ou une comédie musicale douteuse. Le Comité l'intriguait par dessus tout. Toute organisation portant une majuscule se devait d'inciter à la méfiance, et c'était un conseil qui provenait d'une jeune femme ayant baptisé sa galerie d'art The Gallery. Elle savait que ce qu'elle avançait était fondé.
Malheureusement pour Anna, les langues ne se déliaient pas aussi facilement qu'elle l'aurait souhaité, sans doute à cause du deuil ou d'une méfiance maladive. Tout le monde semblait sur ses gardes et on ne lui enlèverait pas de la tête qu'il y avait quelque chose dans l'air, et que les habitants de Rosecliff se montraient bien trop obéissants pour que le Comité soit irréprochable. Les souvenirs de la Marche Blanche la laissaient encore frissonnante et avaient accéleré le désir de la jeune femme de percer à jour les non-dits de Rosecliff. Elle avait décidé de commencer par ce qui lui était familier et semblait apparemment cristalliser bien des secrets : la chorale de Parker Chapel.
Anna n'avait rien d'une croyante, comme elle se le remémorait en poussant la porte de l'église. Le mystérieux pasteur, un certain Hogan, serait sans doute déçu de voir une païenne franchir le seuil de son temple, et de sa salle de répétition. Le silence et la dignité du lieu figèrent la jeune femme sur place, et il lui fallut quelques secondes pour s'habituer à la lumière plus tamisée à l'intérieur. Alors qu'elle évaluait l'espace qui s'ouvrait à elle, avançant prudemment, elle distingua une silhouette sur un rang devant elle, quelques sièges sur sa gauche. Une femme, élégante et plongée dans ses pensées, même si le bruit de pas la tira manifestement de sa songerie. Pas le pasteur donc. Anna adressa malgré elle un petit sourire gêné à la femme, et détourna bien vite le regard, peu désireuse de déranger la paroissienne ou d'éveiller un quelconque intérêt évangélique chez elle. Hogan n'était visible nulle part et Anna commençait à regretter de s'être montrée si impulsive. |
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